« Etude pour Francesca » : détail.
« La Divine Comédie », oeuvre magistrale de Dante, se subdivise en 3 parties : l’enfer, le purgatoire et le paradis. Ce récit est un voyage intérieur et spirituel du poète : perdu, au milieu de sa vie, il doit parvenir au coeur de l’Enfer pour pouvoir gravir la montagne du Purgatoire et atteindre enfin le Paradis.
Dans son aventure, il est d’abord guidé par Virgile (qui symbolise la raison) au coeur de l’Enfer et du Purgatoire. Aux portes du Paradis, son guide est Dame Béatrice (= la théologie, le spirituel).
Au Chant V, Dante et Virgile parviennent au 2ème cercle de l’Enfer, celui qui est réservé aux luxurieux, qui sont emportés par l’ouragan infernal.
Parmi eux, se trouve ce couple d’amants maudits, Paolo da Malesta et Francesca da Rimini.
L’histoire se déroule en 1275. Francesca vient d’épouser Giovanni, mais elle s’éprend de son beau-frère, Paolo. Giovanni les surprend et les tue. Selon Dante, Giovanni est aussi puni de sa faute, puisqu’il se retrouve après sa mort dans le 9ème cercle infernal, le plus terrible.
Francesca et Paolo ne sont pas condamnés à l’Enfer pour leurs sentiments ou leurs émotions : c’est l’infidélité, le désir et la sensualité qui les enchaîne au cercle infernal réservé aux luxurieux.
Voici un extrait du cinquième chant de l' »Enfer », celui où Dante et Virgile rencontrent Paolo et Francesca :
Création de cette « Etude pour Francesca »
Une autre vue de l’oeuvre
« La terre où je suis née se trouve au bord
de ce rivage où le Pô vient descendre
pour être en paix avec ses affluents.
Amour, qui s’apprend bien vite au coeur gentil,
prit celui-ci de la belle personne
que j’étais; et la manière me touche encore.
Amour, qui force tout aimé à aimer en retour,
me prit si fort de la douceur de celui-ci
que, comme tu vois, il ne me laisse pas.
Amour nous a conduits à une mort unique.
La Caïne attend celui qui nous tua. »
Tels furent les mots que nous eûmes d’eux.
Quand j’entendis ces âmes blessées,
je baissai le visage, et le gardai si bas
que le poète me dit : « Que penses-tu ? »
Quand je lui répondis, je commençai : « Hélas,
que de douces pensées, et quel désir
les ont menées au douloureux trépas ! »
Puis je me retournais vers eux et je leur dis
pour commencer : « Francesca, tes martyres
me font triste et pieux à pleurer.
Mais dis-moi; du temps des doux soupirs,
à quel signe et comment permit amour
que vous connaissiez vos incertains désirs ? »
Et elle : » Il n’est pas de plus grande douleur
que de se souvenir des temps heureux
dans la misère; et ton docteur le sait.
Mais si tu as envie de connaître
la racine première de notre amour,
je ferai comme qui pleure et parle à la fois.
Nous lisions un jour par agrément
de Lancelot, comment amour le prit :
nous étions seuls et sans aucun soupçon.
Plusieurs fois la lecture nous fit lever les yeux
et décolora nos visages;
mais un seul point fut ce qui nous vainquit.
Lorsque nous vîmes le rire désiré
être baisé par tel amant,
celui-ci, qui jamais plus ne sera loin de moi,
me baisa la bouche tout tremblant.
Galehaut fut le livre et celui qui le fit;
ce jour-là nous ne lûmes pas plus avant. »
Dante, qui se met en scène dans sa « Divine Comédie », est bouleversé d’émotion ; il s’identifie à cet amour, à l’émoi de ces amoureux unis pour l’éternité :
Pendant que l’un des deux esprits parlait ainsi,
l’autre pleurait, si bien que de pitié
je m’évanouis comme si je mourais;
et je tombais comme tombe un corps mort. »